Les scooters électriques en libre service ont réinventé un modèle de mobilités

Les scooters électriques en libre service ont réinventé un modèle de mobilités

Les scooters électriques en libre service ont réinventé un modèle de mobilités

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À l’heure où les nouvelles mobilités se cherchent toujours un modèle, les scooters en libre-service, eux, sont parvenus à s’imposer en ville comme auprès des investisseurs. Les opérateurs lient la rentabilité du modèle à leur approche civique et responsable. Et le succès semble au rendez-vous…

Les nouvelles mobilités, dans l’esprit de beaucoup, cela reste encore très flou… Des vélos qui encombrent les trottoirs, des sociétés qui ne gagnent jamais d’argent, des projets municipaux qui tournent au fiasco… Dans ce paysage où règne encore la confusion, émerge une mobilité qui a trouvé un vrai modèle. Le scooter en libre-service semble avoir résolu la majeur partie des écueils posés par les autres types de mobilités, et mieux encore, il pourrait même être rentable, ce que même Uber n’est pas encore parvenu à accomplir.

Paris aux avant-postes

A cet égard, Paris est probablement la ville la plus avancée dans le développement du scooter en libre-service. Avec Coup et Cityscoot, la capitale accueille désormais plus de 5.000 scooters, contre moins de 2.500 fin 2017. Les deux sociétés ont choisi d’équiper leur flotte de scooters exclusivement électriques, ce qui n’est pas déplaisant pour les Parisiens et pour la municipalité qui tente d’écarter les motorisations thermiques.

Plus que cela, le scooter en libre-service s’est imposé avec un étonnant civisme, pour la grande satisfaction de la ville, contrainte de gérer les dérives des utilisateurs de vélos en libre-service en « free floating ».

« Contrairement aux vélos et trottinettes en libre-service, un scooter ça pèse 100 kilos et c’est immatriculé (donc verbalisable). Les conducteurs sont plus âgés et plus responsables », explique Bertrand Fleurose, fondateur de Cityscoot. Même les assureurs ont été surpris par le niveau de sinistralité recensé par le service Cityscoot.

« Il y a une dimension psychologique autour d’un objet qui n’a pas l’embarras d’une voiture, mais qui n’a pas le côté consommable d’un vélo », souligne Guillaume Crunelle, associé chez Deloitte et expert des nouvelles mobilités.

Un modèle écologique et rentable

Finalement, le scooter électrique en libre service sert une double cause responsable sur le comportement du conducteur, mais également sur l’énergie non polluante. Au-delà de l’approche symbolique, c’est un ingrédient essentiel du modèle économique.

« La dimension électrique est importante parce que dans l’esprit collectif, la mobilité de demain est nécessairement décarbonée. Mais d’un point de vue économique, la technologie électrique permet de diviser les coûts de maintenance par deux ou trois, car la complexité mécanique est bien inférieure à un deux roues thermique », développe Guillaume Crunelle.

Sur le comportement, ce n’était pas gagné… « Nous avons été agréablement surpris », explique Maureen Houel, patronne de Coup France, filiale de Bosch. « Nous constatons très peu d’actes de vandalisme, et en termes d’actes d’incivilités, nous déplorons quelques problèmes de mauvais stationnement ou de casques qui disparaissent », relève-t-elle seulement.

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« Réhabiliter l’image du scooter »

Les scooters électriques en libre service ont réinventé un modèle de mobilitésLorsqu’il est question de nouvelles mobilités, les autorités locales se sont imposées comme un interlocuteur incontournable, même si dans ce cas précis, il n’est ni question de délégations de service public ni de subventions publiques. Or, le scooter n’est pas le mode de transport que les municipalités privilégient… « Nous, nous avons mené un combat pour réhabiliter l’image du scooter encore trop associé aux coursiers et livreurs et au danger qu’il représente », pointe Bertrand Fleurose, de Cityscoot.

« Cityscoot est le premier acteur de mobilité partagée qui n’est pas passé par une délégation de service public pour se développer à Paris. Ce qui ne nous a pas empêché de discuter longtemps avec les autorités locales avant de nous lancer… Nous sommes désormais vus comme les bons élèves des opérateurs de mobilités ».

Maureen Houel compte également beaucoup sur une bonne entente avec les équipes municipales : « les villes doivent nous soutenir: nos scooters sont écolos et ils permettent de décongestionner la ville (…), nous travaillons avec la ville sur une charte de bonnes pratiques ».

Fort de cette bonne image, les scooters en libre service sont en plein boom. A Paris, Cityscoot va doubler la taille de sa flotte avant la fin de l’année, tandis que Coup a engagé au début de l’été une offensive massive en passant de 600 à 1.700 scooters à Paris. « Il fait beau, c’est maintenant que les utilisateurs veulent être sur un scooter. L’augmentation de la flotte nous permet maintenant de mailler tout le territoire parisien. », lance Maureen Houel.

« Cityscoot sera le premier opérateur de mobilité urbaine à gagner de l’argent », assure Bertrand Fleurose. Et les investisseurs y croient: l’opérateur parisien a levé près de 40 millions d’euros en février dernier. Avant d’annoncer en mars un plan stratégique très offensif: extension à la petite couronne parisienne, implantation dans de nouvelles villes comme Nice, ou Toulouse, mais également à l’étranger (Milan, Genève). Cityscoot vise une flotte totale de 10.000 scooters fin 2019. De son côté, Coup revendique déjà sa dimension internationale puisqu’il s’est déjà déployé dans trois pays, dont la France à Paris, en Espagne à Madrid, et en Allemagne à Berlin. Là aussi, la stratégie est de poursuivre cette conquête.

Le modèle économique repose sur une implantation dans des zones urbaines très denses. « La clé du succès dans l’exploitation d’un actif, c’est la capacité à le financer à prix bas et son taux d’utilisation. Ici, on est sur un produit peu onéreux et avec un public très large, accessoirement dans une ville assez dense où l’utilisation du deux roues est largement en place », explique Guillaume Crunelle. Coup le prend au mot puisque son service est ouvert 24h sur 24, contrairement à Cityscoot qui suspend son service la nuit. Avec 10 à 13.000 trajets par jour à Paris, le Français estime toutefois avoir atteint un important taux d’utilisation.

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Pure players versus agrégateurs

Tout roule donc pour les opérateurs de scooters électriques en libre-service… Ils restent pourtant encore assez peu nombreux, et les industriels qui cherchent pourtant à s’imposer dans les nouvelles mobilités à travers des écosystèmes multimodaux, restent encore à l’écart. Bertrand Fleurose exclut une consolidation en provenance des industriels: « je ne vois pas un grand constructeur débarquer dans notre activité et reconstruire toute une expertise, sauf à perdre beaucoup d’argent en cassant les prix… ».

Le patron de Cityscoot défend également son modèle de pure player indépendant contre les agrégateurs.

« Ce ne sont pas des opérateurs, ils n’ont pas de clients ni de service après-vente et en plus prennent une commission… Ce modèle, je n’en veux pas, car il noie le service dans une masse, et je suis convaincu que nos clients sont attachés à la notion de qualité du service. Néanmoins, je crois à l’intermodalité, qui peut être facilitée par des partenariats ou des rapprochements entre opérateurs ». Et de trancher:

« Dans la mobilité, contrairement au modèle de plateforme commerciale et logistique offerte par Amazon ou Deliveroo, les opérateurs n’ont pas besoin des agrégateurs pour fonctionner, alors qu’eux ne sauraient exister sans les opérateurs ».

Cityscoot veut capitaliser sur la qualité de service justement pour le protéger d’une guerre des prix lancée par un challenger, y compris venu de l’étranger comme en Chine qui peut « d’un claquement de doigts devenir leader mondial ». Coup mise également sur une approche qualitative en travaillant notamment sur l’attachement à la marque à travers de la promotion digitale ou de la publicité dans le métro parisien. Les deux opérateurs veulent prouver qu’une stratégie fondée sur des prix cassés aura une incidence sur le comportement des conducteurs, donc sur le coût de la maintenance et de l’accueil auprès des municipalités… Autrement dit, ce serait un tout autre modèle qui serait à reconstruire et qui devra démontrer sa pertinence.

source : La tribune

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